Affaire Depardieu : Cannes, Ardant et le #MeToo piétiné sous les projecteurs

Affaire Gérard Depardieu : le #MeToo à la française ou le malaise d’État en costume noir

Alors que Cannes s’ouvre, l’affaire Depardieu révèle un malaise profond : celui d’un pays qui peine à entendre les victimes quand le prédateur est célèbre.

En France, on a longtemps cru que l’ogre national s’appelait Obélix. Il s’appelait en fait Gérard. Gérard Depardieu. Acteur immense, gargantua de la peloche, monument d’égos et de débordements. Mais derrière l’aura, il y a les ombres. Et aujourd’hui, ce ne sont plus des murmures : ce sont des cris.

Accusations de viols, agressions sexuelles, comportements gravement déplacés : les témoignages s’empilent, les enquêtes s’enchaînent, les silences institutionnels persistent. Le dernier épisode en date ? Un non-lieu partiel rendu public le jour même de l’ouverture du Festival de Cannes 2025. Hasard ? Coïncidence troublante ? Ou preuve, une fois encore, que le tapis rouge est un excellent cache-misère ? affaire Depardieu

Cannes, justement, reste muette. La Croisette déroule son cérémonial, entre selfies glamour et promotions sous climatisation, pendant qu’un autre film se joue : celui d’un pays incapable de trancher avec ses vieilles gloires quand elles sentent le souffre.

Gérard Depardieu, c’est plus qu’un acteur. C’est un totem. Une relique. Une statue en cravate et camembert. Et comme souvent avec les statues, ce n’est qu’en les fissurant qu’on découvre ce qu’elles recouvrent : un système de complaisances, de silences, de messes basses en haut lieu.

Alors que des actrices, des techniciennes, des anonymes racontent depuis des années ce qu’elles ont subi, le cinéma français, lui, tergiverse. On hésite. On “s’interroge”. On “attend la justice”. On préfère encore diffuser Cyrano en prime time plutôt que d’admettre que le héros à l’écran était peut-être une horreur en coulisses.

Et la République ? Elle retire discrètement une Légion d’honneur à Depardieu, du bout des lèvres, pendant que les chaînes de télévision rediffusent ses classiques. On a honte de faire semblant, mais on continue à faire semblant. Comme si le génie excusait tout, à condition qu’il ait tourné avec Truffaut ou dragé Isabelle Adjani à l’écran.

Mais dehors, la société bouge. Les victimes parlent, s’organisent, dénoncent. Les réseaux sociaux sont devenus des tribunes là où les salles étaient des tombeaux. Et chaque verdict, chaque non-décision, chaque petit compromis rajoute de l’huile sur un feu qu’on ne maîtrise déjà plus.

Et c’est là que Fanny Ardant entre en scène. Avec toute la grâce, la distinction, et l’inconscience du vieux monde. L’actrice-réalisatrice vient d’annoncer qu’elle souhaitait tourner son prochain film avec… Gérard Depardieu. Oui, maintenant. En pleine tempête. Comme si de rien n’était.

On connaissait son attachement à “la beauté du verbe”, à “l’excès magnifique”, à “la fidélité”. Mais là, on touche au cynisme pur. Ardant ne défend pas un homme, elle entretient un système. Celui d’un cinéma qui protège les siens, quels que soient leurs actes. Qui préfère la légende au réel, le confort à la justice.

On nous dira que c’est de l’art. Que l’œuvre est au-dessus de l’homme. Que le plateau n’est pas un tribunal. Mais voilà : le plateau devient complice quand il ignore sciemment ce qui s’y trame. Et Ardant, par ce geste, n’offre pas un rôle à un acteur déchu : elle offre un bras d’honneur à toutes celles qui ont osé parler.

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